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Le plaisir des dangereuses futilités

Les choses futiles sont dangereuses, cela est bien connu. Que ce soit les jeux de rôle qui dans les années 80 et 90 ont été poursuivis par une certaine catégorie de l’élite, accusés, sans le moindre fondement autre que les préjugés des dénonciateurs et leurs études biaisées, de provoquer violence et suicides chez ceux qui les pratiquaient, ou bien aujourd’hui des jeux vidéos, soupçonnés d’engendrer les mêmes maux pour les mêmes raisons, on leur reproche d’être source de malheur. Il en va naturellement de même avec l’alcool et le tabac, dont les effets nocifs sur la santé ne sont plus à démontrer. Celui qui s’adonne à ces vices est forcément coupable de quelque-chose, ne serait-ce que de s’y adonner. Mais n’est-il pas simpliste de reprocher ainsi au particulier ses agissements ?

Le sujet est vaste, aussi convient-il de le diviser. Quelque soit la division, elle sera convenable, opérons donc à une première séparation entre les futilités dont l’effet nocif est prouvé par des faits, des études reproductibles et vérifiables, et ceux dont la principale nocivité réside dans l’esprit de ses détracteurs. Si tu le permets, je vais commencer par cette seconde catégorie. Si cela ne te convient pas, libre à toi de toutes façons de passer quelques paragraphes. Cette catégorie regroupe en tout premier lieu les jeux de rôle et les jeux vidéos. Je trouve remarquable que des jeux puissent être considérés comme source de nuisances pour la société, alors que rien dans leur pratique ne met directement en danger tant celui qui les pratique que ceux qui l’entourent.

Voyons donc plus en détail ce qui leur est reproché. Il est dit que, coupant le joueur de la réalité et entraînant une addiction, ils entraînent des comportements dangereux, allant du suicide au meurtre, lorsque le joueur se retrouve confronté à la réalité. C’est là la principale explication de leur soi-disante nocivité. Et je l’affirme hautement et clairement, ce sont là des balivernes. Toutes les soit-disant études affirmant cela ont raison sur un seul point : ces pratiques éloignent de la réalité. Mais n’est-pas là le fondement même du jeu ? Ce qu’il y a avec ces catégories particulières de jeux, c’est qu’ils sont tout spécialement efficaces à cela. J’y vois pour ma part la marque de bons jeux, car cela signifie qu’ils sont les plus à même de remplir la fonction principale du jeu, à savoir éloigner de la réalité pour en faire oublier les soucis.

J’ai pourtant déjà annoncé, et je le répète, ces études sont biaisées. Elles sont biaisées car elles affirment que ces jeux développent une addiction chez le joueur. Elles en trouvent une uniquement parce-que c’est là ce qu’elles recherchent, à savoir le signe d’un malaise lorsque le pratiquant de ces jeux cesse d’y jouer. Pourtant, et je parle en toute connaissance de cause, la source de ce malaise n’est pas l’arrêt du jeu. Ce malaise était déjà présent, avant l’arrêt, juste assoupi par la pratique. C’est parce-que ce malaise n’est pas une conséquence du jeu chez les personnes qui le ressentent, mais une cause. Ce n’est pas parce-que je joue que je vais mal, mais parce-que je vais mal que je joue. Là est la nuance.

Tout le reste en découle. Cette souffrance ne peut-être totalement atténuée par le jeu, et finit, à l’usure, par provoquer un acte dangereux. Mais la source du mal ne se situe pas dans le jeu. Elle provient d’un désordre psychologique qui, s’il n’est pas soigné à temps, peut engendrer des comportements dangereux. Certes, l’assoupissement apparent de celui-ci par le jeu peut rendre plus difficile le diagnostique, mais c’est alors aux proches de ne pas se leurrer, et de faire leur possible pour aider le malade. Interdire ou restreindre l’usage d’un jeu revient à déresponsabiliser l’entourage, et tous les autres facteurs menant tout aussi directement, voire plus, aux éventuelles conséquences désastreuses. Tout au plus faut-il, dans le cas des jeux vidéos où nul maître de jeu ne s’adapte au public, restreindre l’accès aux mineurs les plus jeunes. Et là encore l’entourage, ou plus exactement les parents, se doit d’être vigilant aux indications fournies sur la boîte de jeu, qui renseignent sur l’âge recommandé.

Cela étant établi, passons aux futilités dont la dangerosité intrinsèque n’est plus à démontrer. Je pense ici en particulier aux drogues, légales comme le tabac ou l’alcool, ou illégales comme le cannabis ou l’héroïne, sans oublier celles réservées à un usage médical qui peuvent être détournées pour un certain plaisir. La première chose que je remarque, c’est que tout est ici avant tout question de dose. Il y a en effet une grande différence entre celui qui s’approche autant que possible du coma éthylique tous les soirs, et celui qui se contente d’un unique joint lors des grandes occasions. De ces deux personnes, celle qui met le plus en danger sa personne et ses semblables est manifestement la première. La division entre les drogues dont l’absorption est légale et celles dont elle est illégale me semble donc peu pertinente dans le cadre de ma réflexion.

Il me semble que cette question est avant tout une question de doses. L’alcool, dont j’ai présenté un usage dangereux ci-dessus, n’est pas plus dangereux que dans mon précédent exemple d’usage de cannabis, s’il est consommé avec mesure, par exemple avec un verre par repas, éventuellement un peu plus lors de grandes occasions, en prenant garde aux éventuelles interactions avec d’autres substances comme des médicaments, et en veillant à prendre n compte l’émoussement des réflexes qui survient rapidement. Cet usage est peut-être même bénéfique pour la santé, dans la mesure où certaines études ont montré une augmentation de l’espérance de vie chez ceux pratiquent ce régime (je ne sais néanmoins pas dans quelle mesure, étant donné que ce régime est souvent accompagné d’autres mets particuliers).

Il me semble y avoir ici deux facteurs principaux à prendre en compte : l’impact direct de la drogue sur la santé, et la facilité avec laquelle elle engendre l’addiction, avant même de considérer la gravité des symptômes de manque. Ainsi, si pour des drogues n’ayant qu’un impact limité sur la santé lorsque consommées avec modération (sans en être certain, je dirais que l’alcool en est un exemple), sans engendrer de dépendance notable, il me semble que l’éducation à un usage raisonnable soit préférable à l’incitation à l’arrêt de la consommation, il en va autrement pour les drogues plus virulentes. L’interdiction ne me semble néanmoins pas une solution, dans la mesure où cela ne fait que faire passer l’économie liée à leur commerce dans un plan illégal et caché, échappant au contrôle de l’État et surtout des médecins. Il me semblerait préférable de promouvoir des solutions de restriction plus ou moins grande en fonction de la dangerosité de la drogue à l’accès à celle-ci ; que ce soit en instaurant un système de rationnement, ou en limitant les zones où la consommation de ces drogues serait possible, ce qui permettrait dans les deux cas à l’État au niveau global et aux médecins au niveau des particuliers de garder un certain contrôle.